À PROPOS

Quelques mots de Mani Soleymanlou, directeur artistique : "Orange Noyée est née d'un cri enfoui au plus profond de moi. Je ne savais même pas qu'il était là. Ce cri a refait surface en 2011 et est devenu One, ma première exposition personnelle.

Je suis née en Iran le 17 janvier 1982, à l'aube de la révolution islamique et en pleine guerre Iran-Irak. Comme des millions d'autres Iraniens, une partie de ma famille a fui. Ils sont allés en France, puis à Toronto, à Ottawa et, enfin, au Québec.

Cet exil, cette fuite, est à l'origine d'Orange Noyée et colore la pensée et la théâtralité de toutes nos créations passées et à venir. L'une d'entre elles a pris forme lors d'un soulèvement dans mon pays natal, lorsque de jeunes Iraniens ont envahi les rues de Téhéran pour revendiquer leur droit à l'existence. À distance, confortablement installé à Montréal, j'ai vu des gens, avec lesquels j'étais constamment comparé, remplir les rues et se battre pour leur pays, celui-là même où je suis venu au monde.

À une époque où je me demandais ce qui faisait encore de moi un Iranien, je me suis retrouvé à regarder de jeunes Iraniens, qui n'avaient ni la chance ni le malheur de quitter leur pays, vivre une période de guerre et de révolution. Ils étaient pris dans un conflit sanglant et un combat à mort pour leur pays. J'ai ressenti un devoir, une envie urgente de donner une voix à ces jeunes qui représentent aujourd'hui 70% de la population iranienne.

Orange Noyée est née. Elle a été créée et présentée plus de 150 fois en français et en anglais. Depuis, ce spectacle a été présenté plus de 150 fois, dans 19 villes sur 2 continents. Huit autres œuvres ont été créées, trois collaborations artistiques ont été présentées et un spectacle a été entièrement réécrit.

Par ailleurs, toutes les créations de la compagnie n'ont fait qu'obéir à mon désir urgent de parler au présent, celui que nous avions tous, de suivre ces événements au fur et à mesure qu'ils se déroulaient. En essayant de développer un théâtre « vivant » aussi âpre (et donc plein d'aspérités) que brut et franc, nous avons voulu faire d'Orange Noyée un lieu où l'on pouvait tout mettre sur la table.

Ces œuvres ont posé les bases de ce que représente le théâtre pour moi, ou du moins le théâtre que j'espère créer avec mes partenaires. Le théâtre est un art à part entière, qui ne peut exister que sur scène, devant un public présent ici et maintenant. D'autre part, le théâtre est un exercice (au sens d'effort physique et mental) d'empathie, de projection de soi dans l'Autre. En somme, le théâtre est la recherche d'une communauté à travers la communication - réussie ou avortée, rassurante ou conflictuelle - de notre expérience et de nos aspirations.

Chacune des œuvres créées depuis lors a donc développé son propre langage théâtral. Les situations, les idées et les mots sont singuliers, les acteurs changent, l'habillage visuel et sonore est unique. Mais tous participent à la recherche d'une chose : déployer un espace « populaire », au sens le plus positif du terme, où artistes et citoyens se rencontrent et se confrontent, pensent et ressentent. Bref, un lieu de rencontre accessible et accueillant, puis déstabilisant, où l'on travaille ensemble pour tenter de « tout faire tenir ensemble ».